« Debussy et quelques miroirs »
Ce qui a réuni les deux artistes, c'est bien la passion pour ce programme Debussy dernière manière, allant de 1900 à 1915. Mettre tous ces cycles de mélodies en regard dans le même concert, alternés de pièces pour piano de la même période.
Prenez les trois poèmes de Mallarmé, de Ravel puis de Debussy, composés la même année 1913, année qui a vu naître à deux semaines d'intervalle « Jeux » de Debussy et « Le Sacre » de Stravinski. Ils sont écrits indépendamment, sur les deux mêmes poèmes (Soupir, Placet futile), puis les troisièmes, différents chez chacun. Celui de Ravel - Surgi de la croupe et du bond - nous fait descendre dans les affres de la création . A rien expirer annonçant une rose dans les ténèbres . Cette frissonnante dernière page évoque tout à la fois le Pierrot de Schoenberg et le Scriabine des dernières sonates. Celui de Debussy - Eventail - le préféré de Boulez, et pour cause ! Impalpable et évanescent comme « Jeux » justement, que ce dernier a revendiqué sa vie durant.
Quelques années auparavant, le symbolisme des Fêtes galantes de Verlaine, avec son Colloque sentimental - Dans un vieux parc solitaire et glacé, deux spectres ont évoqué le passé. . Une infinie nostalgie fin de siècle s'en ressent, où passé et présent s'opposent, et où poète et compositeur vont définitivement rompre avec le langage romantique.
En regard de celui-ci, le même poème mis en musique par Charles de Sivry, compositeur méconnu, mais qui a eu le « mérite » d'être le neveu de l'auteur des vers...
Dans la foulée, une transcription ; celle de « Rondes de printemps » pour orchestre de Debussy, composée il y a tout juste cent ans (1909), que Gérard Gasparian a lui-même transcrite pour piano seule. Elle sera ce soir donnée en première dans cette version. Le thème de la chanson populaire « Nous n'irons plus au bois », thème très récurrent chez Debussy, y est énoncé tout au long de la pièce, sous de multiples aspects et couleurs printanières.
Qu'on n'aille pas nous dire : Programme trop compliqué pour nos habitants non initiés, il faut des classiques connus.
Nous allons essayer de faire passer l'émotion, de capter, en nous exprimant justement avec passion et conviction, à travers tout le mystérieux et l'impalpable que ces pages contiennent.
Gérard Gasparian