les artistes

artistes solistes
ensembles
jeunes talents
avril 2009

lun mar mer jeu ven sam dim
    1 2 3 4 5
6 7 8 9 10 11 12
13 14 15 16 17 18 19
20 21 22 23 24 25 26
27 28 29 30      

les villes



 
 

Dimanche 19 avril 2009 à 17h
A la Salle des Fêtes de Breteuil-sur-Iton 

« Concert d'improvisations » : improvisations et discussions ludiques et interactives autour d'un piano et d'un célesta.

Par Jean-François Zygel

Jean-François Zygel

 

 

Improviser, c'est prévoir

On sait avec quel mépris de nombreux compositeurs d'aujourd'hui accueillent l'improvisation. Un art sympathique certes, mais limité. Une virtuosité un peu vaine, don étrange et fascinant accordés à certains, mais qui ne mérite en aucun cas le titre de création.

La hiérarchie doit être respectée. Au sommet de la pyramide, le compositeur détient les monopoles de la pensée spéculative et de l'invention. Tout en bas les interprètes, serviteurs dociles, ne prennent aucun part au mystère de la création. « Est-ce qu'un pianiste demande leur avis aux touches de son piano ? » demandait Furtwängler à ceux qui l'interrogeaient sur ses rapports avec les instrumentistes de son orchestre. Entre les deux, les improvisateurs, curieux hybrides qui ont fait le pari de réconcilier exécution et création, de jouer la musique au fur et à mesure qu'ils la conçoivent.

Hier au centre de la pratique musicale (rappelons-nous Bach, Mozart, Beethoven, Liszt et leurs pairs), l'improvisation quitte le champ de la musique sérieuse vers le milieu du XIXe siècle, hormis à l'orgue et dans les concerts de quelques rares virtuoses. Elle ressurgit aujourd'hui, force les portes des salles de concert et des festivals de musique contemporaine, prend part aux spectacles de danse, aux pièces de théâtre, aux créations cinématographiques, et de nombreux conservatoires l'ont accueillie en leur sein.

Cette vitalité retrouvée garantit-elle sa validité esthétique et expressive ? Pas forcément. Mais la démarche de l'improvisateur classique demeure suspecte, alors qu'il ne viendrait jamais à l'esprit de contester celle d'un improvisateur de jazz. Quel gain d'énergie cependant : pas de partitions, pas de pupitres, peu de répétitions, et un résultat qui n'a souvent rien à envier à nombre de créations contemporaines dûment estampillées.

L'improvisation est éphémère, quand l'écrit demeure ? C'était vrai du temps de Beethoven et Mozart, mais le disque, la radio et internet ont changé la donne. Une improvisation fixée par l'enregistrement circule et se conserve aujourd'hui plus facilement qu'une composition fixée par l'écrit. Car une partition ne s'adresse qu'aux praticiens et aux experts, quand tout le monde peut écouter la radio ou un enregistrement. Le Köln Concert de Keith Jarrett n'a-t-il pas durablement influencé des générations de musiciens plus sûrement que les partitions publiées du grand pianiste américain ?

En posant d'emblée le résultat sonore, l'improvisation supprime l'hiatus écrit/interprète. Elle fait le pari d'une expression à la fois immédiate et réfléchie. Pour cela, l'improvisateur doit travailler son art avec autant de soin que le compositeur. Ce travail préalable organise un univers esthétique, un projet onirique, un vocabulaire sonore, mélodique, harmonique et rythmique le plus large possible, loin des scolaires et prévisibles « à la manière de » qu'affectionne le public.

On crédite le compositeur d'une pensée créatrice, d'une capacité à structurer le discours, d'un sens de la forme achevé, vertus dont l'improvisateur serait par nature privé. Rien n'est moins sûr. Improviser, c'est prévoir. Tout le problème est d'arriver - sur le moment même - à trier, à organiser et à rendre cohérentes les idées qui viennent en nombre à l'esprit.

Prévoir et permettre l'invention, écouter tout en donnant à écouter, éprouver par la scène le travail solitaire d'élaboration : quand on improvise, on ne peut pas trop se raconter d'histoires, ni en raconter aux autres.

Grâce à l'enregistrement, l'improvisation est aujourd'hui possible comme écriture. Qu'elle régénère une création souvent figée, académique et enfermée dans ses a priori stériles !

Jean-François Zygel, septembre 2008

 

 
© 2008-2009 ama-asso.fr             plan du site           à propos du site